lundi 20 juillet 2009
18 juillet
Nous avons déposé les cendres de ton corps tout à côté de ta mère.
La terre était bien grasse et argileuse.
Mon cœur est tombé dans cette crevasse.
Et je t’ai chanté une berceuse.
À genoux sur la terre humide, je ne pouvais pas croire que j’y déposait moi-même l’urne contenant tes cendres.
J’y étais venu à ce cimetière de Lachute il y a 5 ans.
Exaltés de notre amour tout neuf, tu as voulu me présenter ta maman, lui dire bonjour et lui rendre hommage à l’occasion de l’anniversaire de sa mort.
Ce fut émouvant.
Quelques heures de recueillement auprès de la maman de mon minoue.
Ce fut un beau dimanche.
Et là, je suis de nouveau dans ce cimetière et j’y dépose tes cendres.
À l’endroit même où nous avions planté des fleurs, toi et moi, à l’endroit même où nous nous sommes recueillies, toi et moi, à l’endroit même où j’ai partagé avec toi un moment de grâce et d’intimité.
Je n’y croyais pas.
Je ne voulais y croire.
Je subissais à nouveau l’implacable « réalité » de ton « absence ».
Comment est-ce possible ?
Un jour nous plantons des fleurs et le suivant je te pleure.
C’est incompréhensible.
Billie a peint sur une pierre une merveilleuse épitaphe :
« Paule, maman, minoue, sœur, amie, repose-toi notre aimée auprès de ta mère.
Nos cœurs même abîmés de ton départ ne seront amers. 1963 – Éternité »
Chantal nous a parlé d’une histoire d’étoile filante qui illumine et irradie dans la plus sombre des nuits en autant que l’on aie pas les yeux fermés.
Ça passe vite une étoile filante.
Nous sommes nombreux à avoir eu les yeux ouverts quand tu es passé.
Merci pour ta vive lumière.
Paule, peut-être que ta lumière fut éphémère, mais elle s’imprime dans nos chairs.
Depuis hier, je plonge une fois de plus dans ma mémoire.
J’y déterre les souvenirs qui constituent la trame de mon propre récit.
Il y a des histoires dignes des grandes épopées truffées de bonheur et de joie et d’autres récits que je signe avec mes larmes et mon sang.
Mon amour, tu me manques et tu me combles.
À quoi donc me servent ces histoires issues de ma mémoire ?
Me plaindre ?
Me glorifier ?
Je crois qu’elle me servent surtout à une chose : apprendre dorénavant à vivre sans toi. Où plutôt, à vivre avec toi qui n’est plus là.
Mon amour, je ne veux pas organiser ma mémoire pour faire de ton départ un récit tragique.
Je veux un récit joyeux.
Heureux.
Je sais que ce qui habite ma mémoire, ce n’est pas ce qui m’est arrivé.
À chaque heure et à chaque jour de ma vie, il s’est produit des milliers de faits : une fourmi qui trottine sur ma jambe, le soleil qui se lève un matin d’été, la sévérité d’un professeur, la crainte de l’humeur de mes parents, le chat qui ronronne sur ma poitrine, l’eau du lac ou de la mer qui me rafraîchit, la terreur que la solitude éveille, la talle de framboises ou de mûres qui s’offrent à moi, le cliquetis de la pluie dans le silence d’une forêt, la douleur d’une blessure, la douleur de la perte, la couleur d’un arc-en-ciel, la couleur des fleurs sauvages.
Tellement de faits sont à portée de vue, de nez, d’oreilles.
À chaque instant, je choisi certains faits et j’en rejette d’autres.
J’organise ma mémoire comme je l’entends.
Et ainsi, me rendre la vie pénible.
Ou paisible.
Et perfectible.
Paule, ma toute douce amie, je ne sais plus organiser ma mémoire. Un moment, terrible est ton « absence », le suivant, sublime est ta « présence ».
Je sais que les drames que je croise portent en eux le pouvoir de produire des chefs-d’œuvre. Ou de faire un mélodrame de pacotille.
J’ai avorté de nombreux chefs-d’œuvre mon amour. Je ne veux plus que ma tristesse soit qu’un long avortement.
Si je me sens coupable de ta mort, mon récit devient un véritable torchon.
Mais si je me sens honoré d’avoir croisé ta vie, mon récit devient une grande leçon.
Je n’installerai pas la tristesse de te perdre dans ma mémoire comme si c’était une fatalité. Elle ne sera plus nichée dans mes souvenirs comme des cercueils de glace.
Qu’il fait beau aujourd’hui.
Il y a dans ton âme un tel pouvoir de création que le monde va changer.
Merci aussi pour cela.
La terre était bien grasse et argileuse.
Mon cœur est tombé dans cette crevasse.
Et je t’ai chanté une berceuse.
À genoux sur la terre humide, je ne pouvais pas croire que j’y déposait moi-même l’urne contenant tes cendres.
J’y étais venu à ce cimetière de Lachute il y a 5 ans.
Exaltés de notre amour tout neuf, tu as voulu me présenter ta maman, lui dire bonjour et lui rendre hommage à l’occasion de l’anniversaire de sa mort.
Ce fut émouvant.
Quelques heures de recueillement auprès de la maman de mon minoue.
Ce fut un beau dimanche.
Et là, je suis de nouveau dans ce cimetière et j’y dépose tes cendres.
À l’endroit même où nous avions planté des fleurs, toi et moi, à l’endroit même où nous nous sommes recueillies, toi et moi, à l’endroit même où j’ai partagé avec toi un moment de grâce et d’intimité.
Je n’y croyais pas.
Je ne voulais y croire.
Je subissais à nouveau l’implacable « réalité » de ton « absence ».
Comment est-ce possible ?
Un jour nous plantons des fleurs et le suivant je te pleure.
C’est incompréhensible.
Billie a peint sur une pierre une merveilleuse épitaphe :
« Paule, maman, minoue, sœur, amie, repose-toi notre aimée auprès de ta mère.
Nos cœurs même abîmés de ton départ ne seront amers. 1963 – Éternité »
Chantal nous a parlé d’une histoire d’étoile filante qui illumine et irradie dans la plus sombre des nuits en autant que l’on aie pas les yeux fermés.
Ça passe vite une étoile filante.
Nous sommes nombreux à avoir eu les yeux ouverts quand tu es passé.
Merci pour ta vive lumière.
Paule, peut-être que ta lumière fut éphémère, mais elle s’imprime dans nos chairs.
Depuis hier, je plonge une fois de plus dans ma mémoire.
J’y déterre les souvenirs qui constituent la trame de mon propre récit.
Il y a des histoires dignes des grandes épopées truffées de bonheur et de joie et d’autres récits que je signe avec mes larmes et mon sang.
Mon amour, tu me manques et tu me combles.
À quoi donc me servent ces histoires issues de ma mémoire ?
Me plaindre ?
Me glorifier ?
Je crois qu’elle me servent surtout à une chose : apprendre dorénavant à vivre sans toi. Où plutôt, à vivre avec toi qui n’est plus là.
Mon amour, je ne veux pas organiser ma mémoire pour faire de ton départ un récit tragique.
Je veux un récit joyeux.
Heureux.
Je sais que ce qui habite ma mémoire, ce n’est pas ce qui m’est arrivé.
À chaque heure et à chaque jour de ma vie, il s’est produit des milliers de faits : une fourmi qui trottine sur ma jambe, le soleil qui se lève un matin d’été, la sévérité d’un professeur, la crainte de l’humeur de mes parents, le chat qui ronronne sur ma poitrine, l’eau du lac ou de la mer qui me rafraîchit, la terreur que la solitude éveille, la talle de framboises ou de mûres qui s’offrent à moi, le cliquetis de la pluie dans le silence d’une forêt, la douleur d’une blessure, la douleur de la perte, la couleur d’un arc-en-ciel, la couleur des fleurs sauvages.
Tellement de faits sont à portée de vue, de nez, d’oreilles.
À chaque instant, je choisi certains faits et j’en rejette d’autres.
J’organise ma mémoire comme je l’entends.
Et ainsi, me rendre la vie pénible.
Ou paisible.
Et perfectible.
Paule, ma toute douce amie, je ne sais plus organiser ma mémoire. Un moment, terrible est ton « absence », le suivant, sublime est ta « présence ».
Je sais que les drames que je croise portent en eux le pouvoir de produire des chefs-d’œuvre. Ou de faire un mélodrame de pacotille.
J’ai avorté de nombreux chefs-d’œuvre mon amour. Je ne veux plus que ma tristesse soit qu’un long avortement.
Si je me sens coupable de ta mort, mon récit devient un véritable torchon.
Mais si je me sens honoré d’avoir croisé ta vie, mon récit devient une grande leçon.
Je n’installerai pas la tristesse de te perdre dans ma mémoire comme si c’était une fatalité. Elle ne sera plus nichée dans mes souvenirs comme des cercueils de glace.
Qu’il fait beau aujourd’hui.
Il y a dans ton âme un tel pouvoir de création que le monde va changer.
Merci aussi pour cela.