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samedi 12 septembre 2009

Les gens meurent mais n’emportent pas tout avec eux, loin de là.

Par exemple, on aurait beau pleurer mers et affluents, aucune larme n’arriverait à effacer de nos yeux l’image de la personne disparue. D’ailleurs, les premiers mois, on la voit partout : faisant la file à l’épicerie, assise sur un banc de parc, dans l’autobus, derrière une poussette, à vélo. Moi-même, depuis le décès de Paule, je ne compte plus le nombre de fois où j’ai cru l’apercevoir dans les rues de Montréal, l’espace d’une seconde. De profil, de face, de dos, à vol d’oiseau, alouette. Mais ce n’est jamais elle plus qu’une seconde, soit la seconde qu’il me faut pour réaliser ma méprise et continuer mon chemin.

* * *

Au Mexique, au mois de mars dernier, Paule, qui toussait tous les diables mais sans qu’il ne soit encore question d’enfer, nous raconta avec une verve indescriptible des souvenirs de sa jeunesse. Elle nous fit notamment le récit de la petite fille qu’elle était, à travers moult anecdotes, tant et si bien que je pouvais presque me l’imaginer, la voir marcher sur le trottoir de Lachute, en route vers l’école.

Je devais revoir cette petite fille un mois plus tard, lorsque Paule, qui avait alors débuté son traitement de chimiothérapie, nous décrivit les tests auxquels elle devait se livrer, ce qu’elle faisait sans broncher. « Comme une grande », ajouta-t-elle, avec une fierté non dissimulée. Il y avait dans sa voix, dans son regard, dans sa gestuelle, la même petite fille évoquée devant moi, en mars. La boucle était en train de se boucler, et elle serait bientôt ronde comme une larme.

* * *

Un jour, peut-être, au hasard des regards, des gens que l’on croise dans la rue, je ne verrai plus ces sosies plus ou moins ressemblants, mais bien cette petite fille que Paule aura été jusqu’à la fin. Pour moi aussi, ce sera une forme de boucle, le signe que mon chagrin aura enfin commencé à rapetisser.

Mario